La Fabrique Ecologique publie sa troisième note « Déchets : pour la reconnaissance des recyclats ». Cette réflexion, réalisée par un groupe de travail présidé par Dorothée Courilleau, avocat en droit de l’environnement, recommande deux mesures simples pour donner une vraie place aux matières premières issues du recyclage. Le recyclage et l’utilisation des matières premières issues du recyclage apparaissent en effet comme une des principales réponses au double défi de la raréfaction des ressources naturelles et de la croissance des volumes de déchets. Sur le plan mondial, l’extraction de matières premières affiche une augmentation exponentielle. De 9 milliards de tonnes en 1900, elle s’établit entre 47 et 59 milliards de tonnes actuellement, et si rien n’est entrepris, pourrait doubler d’ici 2050.
Les progrès à accomplir en matière de recyclage restent importants : si, dans certaines filières, 40% de la production repose en France sur des matières premières issues du recyclage (métaux ferreux et non ferreux, papier, verre), d’autres secteurs comme les filières plastiques, les emballages, les déchets comprenant des matériaux composites, ne connaissent pas le même essor. A côté de certaines limites économiques et techniques, le statut juridique de ces matières premières, assimilées à des déchets même après leur recyclage, est un vrai frein. Il implique le respect d’une réglementation complexe pas toujours adaptée et contribue à donner à ces matières premières une image qui reste dévalorisante. La présente note formule deux pistes d’évolution et d’action. Il s’agit d’une part de doter ces biens d’une terminologie propre et positive – « recyclats » – qui prend en compte leur double caractéristique de véritable matière première mais qui trouve son origine dans le recyclage. Ces recyclats bénéficieraient d’une définition juridique plus précise, sans pour autant les doter d’un nouveau statut à mi-chemin entre le déchet et le produit, ce qui serait source de complexité. Cette note suggère d’autre part d’en tirer les conséquences sur l’organisation des filières : il s’agit d’adapter les exigences de traçabilité le long de la chaîne de traitement, avec des outils de contrôle permettant de garantir leur conformité et leur qualité en tant que nouvelles matières premières. Cette démarche pourrait s’inscrire dans le cadre de pôle de compétitivités afin d’assurer le dialogue entre les différents acteurs de chaque filière sur la base de la diffusion de bonnes pratiques.SYNTHESE DE LA NOTE
Déchets : pour la reconnaissance des « recyclats »Donner une vraie place aux matières premières issues du recyclage La raréfaction des ressources naturelles représente un enjeu majeur, tant écologique qu’économique. Notre mode actuel de développement est fondé au plan mondial sur un accroissement exponentiel de l’extraction des matières premières. De 9 milliards de tonnes en 1900, elle s’établit entre 47 et 59 milliards de tonnes actuellement, et si rien n’est entrepris, elle pourrait doubler d’ici 2050. Parallèlement, malgré les efforts indispensables pour réduire le volume des déchets, celui-ci ne cesse de croître, de même que leur coût de traitement. Au-delà de l’effort justifié pour limiter le volume des déchets, l’utilisation des matières premières issues du recyclage constitue une des principales réponses à cette situation, dans la ligne des réflexions autour des concepts de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle. Les progrès à accomplir dans ce domaine restent importants : si, dans certaines filières, 40% de la production repose aujourd’hui en France sur des matières premières issues du recyclage (ex : métaux ferreux et non ferreux, papiers, verre), d’autres secteurs comme les filières plastiques, les emballages et plus généralement les déchets comprenant des matériaux composites ne connaissent pas le même essor. Plusieurs limites existent, de nature économique et technique. Le statut juridique de ces matières premières, assimilées à des déchets même après leur recyclage sans distinction de leur valeur positive, constitue lui aussi un frein. Il est une vraie source de difficultés, car il implique le respect d’une réglementation complexe et pas toujours adaptée. Il contribue à donner aux matières premières issues du recyclage une image qui reste dévalorisante. Le grand défi auquel se trouve aujourd’hui confronter le recyclage consiste à s’adapter aux contraintes économiques et techniques, lequel nécessite de réaliser d’importants investissements dans la recherche et le développement. Or, une incertitude persiste quant à la rentabilité des couts résultant de ces évolutions compte tenu de l’instabilité du marché des matières issues du recyclage. Sans prétendre à l’exhaustivité, la présente note vise à surmonter cette difficulté. Elle tend à initier un débat et formule deux pistes d’évolution et d’action. Il s’agit, d’une part, de doter ces biens d’une terminologie propre et positive – « recyclats » – qui prend en compte leur double caractéristique de véritable matière première trouvant son origine dans le recyclage. Ces recyclats bénéficieraient d’une définition juridique plus précise, sans pour autant les doter d’un nouveau statut à mi-chemin entre le déchet et le produit, ce qui serait source de complexité. Cette note suggère, d’autre part, d’en tirer les conséquences sur l’organisation des filières afin de favoriser une plus forte utilisation des recyclats à la place des matières premières vierges : il s’agit d’adapter les exigences de traçabilité tout au long de la chaîne de traitement, voire du cycle de vie du produit initial, et de mettre en place des outils de contrôle permettant de garantir leur conformité et leur qualité en tant que nouveaux matériaux. Cette démarche pourrait s’inscrire dans le cadre des pôles de compétitivités afin d’assurer le dialogue entre les différents acteurs de chaque filière sur la base de la diffusion de bonnes pratiques.
PERIMETRE DES TRAVAUX
Il convient de préciser avant toute chose que la présente note a été rédigée dans une optique essentiellement juridique. Elle pour but de considérer l’état du droit actuel et d’envisager dans quelle mesure des adaptations pourraient y être apportées afin de permettre une meilleure prise en considération des matières premières issues du recyclage. L’objectif du travail réalisé est de permettre aux pouvoirs publics de disposer d’une note regroupant des réflexions partagées afin de permettre à la France de s’engager concrètement dans des actions favorisant un plus grand recyclage de ses déchets.INTRODUCTION
« Notre modèle de société de consommation se trouve confronté à l’accroissement de ses besoins en énergie ainsi qu’à une raréfaction des ressources, problématique que le débat sur la transition énergétique a mise en lumière »[[Jean-Jacques Cottel, rapporteur au sein de la mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs.]]. L’extraction de matières premières au plan mondial n’a de cesse d’augmenter (entre 47 et 59 milliards de tonnes par an ces dernières années, contre 9 milliards en 1900, soit une consommation moyenne de l’ordre de 9 tonnes par habitant et par an). La croissance forte des pays émergents et en voie de développement implique une tension de plus en plus forte sur le marché des matières premières dans un contexte où les pays riches n’ont que très peu modifié leur mode de développement consommateur de ressources naturelles. Les prévisions indiquent, à politique inchangée, un doublement de la quantité de matières premières extraites au niveau mondial à l’horizon 2050[[Rapport de la mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs (dites « filières REP »), présenté par MM. Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier, rapporteurs au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, septembre 2013.]]. La nécessité de mettre en œuvre de nouvelles solutions est ainsi de plus en plus pressante. Ceci explique que la production, à partir de déchets ménagers et professionnels, de nouvelles matières premières pouvant se substituer à celles dites « vierges » ou « naturelles » constitue un enjeu économique majeur. D’un point de vue économique, les matières premières issues du recyclage jouent déjà un rôle important. Plus de 40% de la production française des métaux ferreux et non ferreux (aluminium, cuivre, plomb et zinc), des papiers et cartons, du verre et des produits en matières plastiques, repose d’ores et déjà sur l’utilisation de matières premières issues du recyclage[[Document de réflexion pour l’élaboration d’une stratégie de développement du recyclage en France, Rapport final, 2008, Ademe.]]. Cependant, les statistiques montrent que le taux d’incorporation de ces matières, hors chutes internes de production, a peu augmenté depuis 2001 (42% de la production en 2010 ; 41,1 % en 2001)[[Rapport du Conseil économique et social, Transitions vers une industrie économe en matières premières, Yves Legrain, janvier 2014.]]. L’important est aujourd’hui de mettre en place les outils permettant leur généralisation progressive. Comme le souligne le rapport de la mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs[[Rapport de la mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs (dites « filières REP »), présenté par MM. Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier, rapporteurs au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, septembre 2013]], le recours aux matières premières issues du recyclage présente de nombreux atouts. Outre le fait d’éviter de procéder à l’importation de matières premières dont l’accès pourrait être de plus en plus difficile et de diminuer la dépendance en particulier à l’évolution de leurs prix, ils doivent permettre d’améliorer la productivité matérielle, c’est-à-dire le rapport du PIB sur la quantité totale de matière qui entre physiquement dans l’économie française, et de créer de la valeur ajoutée et des emplois. L’économie circulaire L’économie circulaire[[Par exemple la création récente de l’institut pour l’économie circulaire]] mobilise à juste titre de plus en plus de réflexions et d’actions6 et constitue un mode d’évolution pertinent de notre société. Elle « s’inspire du fonctionnement quasi-cyclique des écosystèmes naturels pour améliorer les performances économiques et environnementales des entreprises et des collectivités, à l’échelle d’un parc industriel, d’un territoire ou d’une région. Comme dans la nature, les déchets des uns doivent servir de matières premières secondaires à d’autres en maximisant la réutilisation des ressources »[[L’économie de fonctionnalité, vers un nouveau modèle économique durable, étude de la fondation Concorde, Novembre 2010.]]. Ce concept, initié dans les années 1980 avec l’écoparc de Kalundborg au Danemark, s’est ensuite sporadiquement développé aux Etats Unis, au Japon, en Chine, en Grande Bretagne et commence à se développer dans différentes régions françaises. Il est aujourd’hui difficilement envisageable de penser les outils de stratégie de l’Etat de demain, à l’échelle nationale et territoriale sans intégrer l’économie circulaire et l’écologie industrielle[[Contribution du Conseil National des Déchets pour la table ronde « Economie circulaire et déchets » de la Conférence environnementale, site internet d’Amorce.]]. Si un large consensus philosophique, économique et écologique, semble admettre cette orientation, les outils n’ont pas été pleinement mis à disposition des professionnels. Les matières premières issues du recyclage n’ont pas encore trouvé leur place dans notre système juridique, elles ne disposent actuellement d’aucune reconnaissance juridique propre. Elles demeurent des déchets pour le droit et dans les consciences collectives, parfois considérés au même titre que ceux destinés à être incinérés ou enfouis dans des installations de stockage. Elles sont soumises à des procédures administratives complexes et des obligations réglementaires qui impactent les détenteurs successifs de ces matières, les industriels qui pourraient en faire usage (police des installations classées, règles relatives à la gestion et au traitement du déchet, règles spécifiques en matière de déchet dangereux). Ce cantonnement au seul statut de déchet, implique au surplus une image qui reste dévalorisante et constitue un frein à leur utilisation. Il est essentiel qu’un acte juridique fort permette une réelle prise en considération des « recyclats » comme véritables alternatives aux matières premières vierges ou naturelles. Cette évolution juridique doit contribuer à éduquer les consciences collectives et à faire admettre, sans doute possible, qu’ils représentent des substances et des matériaux à part entière.TÉLÉCHARGER LA NOTE
A propos de La Fabrique Ecologique
La Fabrique Ecologique, fondation pluraliste de l’écologie créée au printemps 2013 par Géraud Guibert, s’appuie sur une approche transpartisane et rigoureuse afin d’élaborer des propositions concrètes et applicables. Elle réunit des experts de l’écologie de toutes sensibilités politiques et d’horizons divers : ONG, syndicats, partis politiques, entreprises, chercheurs, organismes publiques… Les deux précédentes notes portaient sur la décentralisation énergétique et la politique de rénovation énergétique des logements. – www.lafabriqueecologique.fr – contact@lafabriqueecologique.fr – Tel : +33 (0)6 29 77 55 01
Déchets : pour la reconnaissance des recyclats
On est bien d’accord avec votre approche ! Et c’est pour ça qu’on simplifie au maximum le tri et la collecte chez les joyeux recycleurs pour que vous puissiez avoir plein de matière à recycler. 🙂